Héritage

Exposition « Indépendance »
11.06.2010 - 09.01.2011
Photo Raymond Dakoua
© MRAC

« More, More, more future! »

À l'époque coloniale, les artistes congolais donnaient régulièrement forme à la confrontation avec les colonisateurs à travers les statuettes, les calebasses, les masques et la musique. Ils vont ensuite développer de nouvelles formes d'expression comme la bande dessinée, la peinture, le dessin, la danse, la musique urbaine.

« L'art pour l'art » – à savoir l'art détaché de la vie quotidienne – qui ramène l'œuvre à un objet de contemplation est une conception récente de l'histoire occidentale et peu répandue au Congo. Qu'ils aient ou non une formation, les artistes congolais sont en général très engagés et se sentent investis d'une mission « pédagogique » à l'égard de la population : ils endossent souvent le rôle de chroniqueurs de la société congolaise et se montrent très critiques face à la situation politique et aux développements sociaux. Au Congo comme ailleurs, si l'art se produit souvent en marge de la société, il est aussi très vite récupéré : les autorités ont tout intérêt à s'adjoindre le talent des artistes les plus populaires pour consolider leur pouvoir. La chanson populaire est souvent ambiguë. Franco domine la scène musicale congolaise à l'époque de Mobutu. Il chante ses louanges, mais dans ses chansons, il n'hésite pas à critiquer le régime et aussi la société zaïroise.

Les rappeurs congolais, aujourd'hui très présents sur la scène belge, s'inspirent souvent des rappeurs afro-américains ; sans nécessairement bien la connaître, ils s'inscrivent aussi dans cette histoire de la musique congolaise, en revendiquant le rôle critique qu'ils ont à jouer face à la politique. Ainsi, Banza M'Poyo Kasavubu – petit-fils du premier président de la RDC – et Teddy Lumumba – petit-fils du Premier ministre Lumumba – ont choisi la musique urbaine plutôt que la politique, et ce dans le même but : utiliser la force des mots pour changer le destin du Congo. Les jeunes Congolais qui, comme eux, ont grandi en Belgique, peuvent s'exprimer plus librement que ceux qui sont restés au Congo : ceux-là ont connu la répression coloniale, et puis postcoloniale ; comme Franco, ils usent le plus souvent de moyens indirects pour critiquer le système. La popularité de la musique congolaise ne s'explique pas seulement par la permanence de la culture orale, mais aussi par son côté subversif : les chansons non enregistrées que les Congolais chantent pour commenter leur quotidien sont plus difficiles à contrôler et à supprimer que le moindre écrit.